En dépit de son caractère second, clos et limité, l’activité du traducteur peut se définir à partir de la même double tâche que Gérard Genette assignait à l’écrivain, mais aussi au critique littéraire : écrire, se taire. Le silence du traducteur et de l’œuvre traduite se donnerait, dès lors, le même type d’explications que le silence de la littérature, considérée, depuis deux siècles, comme un discours « pétrifié », non communicatif, non communicationnel, autoréférentiel, autoréflexif. Ce « mutisme » est le lieu où la théorie de la traduction, telle qu’elle est reçue du romantisme allemand, de Schleiermacher, et rediscutée par Rudolf Pannwitz, puis par Walter Benjamin, rejoint la voix dominante de la théorie littéraire de la seconde moitié du XXe siècle. Si ce n'est pas en écrivant que le traducteur peut affirmer son statut d'écrivain, ce statut serait-il déductible du "silence" de l'œuvre traduite? Voilà la question qui meut cette réflexion.